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Suicide de Massada : La vérité archéologique sacrifiée pour un mythe

Publié par Diatala sur 14 Juin 2012, 14:28pm

Catégories : #Actualités : Antisionisme - Sionisme- Israël-

American Sociological Association, Volume 18, No. 1 (Automne 2003)
Mercredi 14 mai 2008

 

source :

http://www.futurquantique.org/2009/09/09/flashback-massada-la-fabrication-disrael-fondee-sur-des-mensonges/

 

Le dernier jour d’octobre, une cavalcade de dignitaires étrangers et d’officiels israéliens s’est jointe à des centaines de citoyens ordinaires pour monter au sommet d’un plateau surplombant la Mer Morte. Ils se sont rassemblés pour proclamer cette forteresse retirée, appelée Massada, un des sites historiques les plus importants – un «endroit digne de l’attention et de la protection mondiales». Les Nations Unies, qui ont placé le plateau israélien dans la liste des sites du Patrimoine Mondial, a choisi l’endroit en partie pour commémorer les rebelles juifs qui ont tenu la forteresse élevée et y ont finalement péri , dans les derniers jours d’une révolte déclinante contre l’Empire Romain en l’an 73 de notre ère. Dans son rapport sur Massada, les Nations Unies concluent que les événements tragiques au cours des derniers jours des réfugiés juifs qui occupaient la forteresse et le palais de Massada en font un symbole de l’identité culturelle juive et, de manière plus universelle, du perpétuel combat de l’humanité entre l’oppression et la liberté (Monastersky, 2002)

 

Promouvoir Massada en site du Patrimoine Mondial était la dernière étape d’ un très long processus qui a commencé dans les premières décennies du 20e siècle, essentiellement amorcé par des Juifs laïcs. Le but de ce processus était de transformer Massada en souvenir héroïque. J’ai passé plusieurs années de recherche à essayer de comprendre comment et pourquoi ce processus a pris forme. Dans mon premier livre sur ce sujet «The Masada Myth» (1995), j’ai retracé le développement du mythe. Ce développement fascinant a été conceptualisé dans le cadre de la mémoire collective. Ayant terminé le projet, une autre énigme est apparue.

Entre 1963 et 1965, Massada a été fouillée par une équipe d’archéologues professionnels dirigés par feu Yigael Yadin, professeur à l’université hébraïque devenu politicien. Je suis devenu très curieux de la manière dont des archéologues professionnels avaient donné un crédit aussi fort à un récit mythique. Essayer de déchiffrer cette énigme culmina dans mon livre de 2002,« Sacrifing Truth». Les deux livres posent des questions différentes et utilisent des méthodologies différentes. Le court article suivant détaillera l’essence de mon travail sur Massada.

 

Le site

Laissez-moi commencer par une description physique de Massada. Massada est une forteressesur une colline située à environ 100 kilomètres au sud-est de Jérusalem, ce qui correspond à 90 minutes de voiture depuis la capitale. Cette formation géologique rocheuse est située à environ 2 kilomètres de la rive ouest de la Mer Morte, et environ à 17 kilomètres au sud de Ein Geddi, à un des endroits les plus chauds du monde (les températures dans la journée entre mai et octobre atteignent en moyenne entre 33 et 40 °C). La hauteur de la colline est d’environ 320 mètres de bas en haut. Au sommet, se trouve un plateau plan en forme de losange. Son grand axe est d’environ 645 mètres et son petit axe d’environ 315 mètres (voir Livne 1986).

La colline est très escarpée et est accessible à pied soit en grimpant le «chemin qui serpente» à l’est (le chemin préférable), soit du côté ouest en grimpant sur l’éperon naturel sur lequel l’armée romaine avait construit sa rampe de siège. Il existe aussi un téléphérique moderne qui rend très aisé l’accès du sommet de Massada depuis le côté est.

Le nom de la colline et de la forteresse en hébreu est METZADA (prononcer ME-TZA-DA). Le nom METZADA est dérivé du mot hébreu METZAD ou METZUDA, signifiant littéralement fort, forteresse, place-forte. La traduction de METZADA en grec est Masada (Simchoni 1923:513). La traduction grecque a gardé son intonation en anglais et METZADA est devenu populairement connue comme Masada.

 

Massada historique

Il existe une seule source textuelle historique sur Massada – les écrits de Flavius Josèphe. «Effacez» Josèphe et il ne reste pas grand chose de ce que nous savons de ce qui s’est passé à Massada. Des questions sur la fiabilité et la crédibilité du récit historique fourni par Josèphe continuent à nous hanter, et – je le suspecte – continueront à occuper une petite armée d’érudits de différentes disciplines. Par manque d’autres preuves textuelles contemporaines, je suggère que nous prenions le texte de Josèphe comme une base historique. C’est à dire, que nous tenions ce compte rendu pour vrai, à moins qu’il n’y ait une preuve non ambiguë et irréfutable pour nous mettre en garde d’être prudent avec ce compte rendu historique.

Par exemple, Josèphe nous dit qu’avant le suicide collectif à Massada, le dernier commandant sicairede la forteresse – Elazar Ben-Yair – a fait deux discours. Josèphe cite ces deux discours. Malheureusement, Josèphe n’était pas là. Cependant, il était un contemporain, il pouvait avoir deviné à quoi ressemblait ce type de discours, et un des survivants du suicide (il y en eut 7) pourraient avoir parlé des discours aux Romains. Il est clair qu’on a besoin de prendre le contenu spécifique de ces discours avec prudence.

 

Que nous dit Josèphe sur les événements à Massada?

Les événements à Massada ne peuvent, et ne devraient pas, être séparés du contexte. Entre 66 et 73 ap. J.-C. les Juifs en Judée se sont révoltés contre l’Empire Romain qui contrôlait la région. L’Empire Romain au 1er siècle était à son summum de puissance, s’étendant de l’Angleterre jusqu’à la Mésopotamie et contrôlant une machine militaire puissante et impitoyable. Josèphe exprime les doutes importants qu’il concevait à l’époque sur la logique – politique et militaire – de cette révolte. En outre, il est clair à partir de sa description que des groupes extrémistes ont entraînés les Juifs dans cette révolte funeste. Il y eut quelques groupes impliqués dans l’incitation à la révolte, dont deux concernent Massada: les Zélotes et les Sicaires. Bien que Josèphe ne fasse pas toujours une distinction nette entre les deux, quand il parle de Massada, son utilisation du terme «Sicaires» est très cohérente.

Les Sicaires étaient un groupe dont le nom vient de Sica, une petite dague que les membresde ce groupe extrémiste avaient l’habitude de cacher sous leur robe – pour assassiner leurs opposants à Jérusalem et ailleurs. Finalement, à cause de leur nature impitoyable, des assassinats et de la terreur, des membres de ce groupe dirigés par Elazar Ben-Yair s’enfuirent de Jérusalem pour aller à Massada ( quand, ou bien comment, les Sicaires prirent le contrôle de Massada…cela n’est pas très clair). Cette fuite se produisit avant que l’armée romaine ne mette en place le siège, et en 70, détruise Jérusalem. Cette conquête occasionna l’incendie du temple et le massacre des habitants.

Josèphe raconte comment les Sicaires à Massada n’ont pas porté secours à Jérusalem assiégé; comment ils attaquaient les villages avoisinants, y compris Ein Geddi (où ils tuèrent 700 femmes et enfants et volèrent leurs biens). Quand l’armée romaine était en train d’écraser la révolte, avançant du nord vers le sud, de plus en plus de Juifs furent attirés vers cette révolte, avec des résultats tragiques. Les Romains détruisaient systématiquement toute résistance.

Après la chute de Jérusalem, il ne restait pas grand chose. Cela prit quelque temps aux Romains pour se décider à écraser les trois dernières forteresses qui restaient insoumises: Macherus, Hérodion et Massada. Massada fut la dernière. Bien que nous n’ayons pas de date exacte, quelque part entre la fin de 72 et le début de 73, les Romains déplacèrent leur 10e légion (Fretensis) contre Massada. Le siège dura probablement 7 semaines (Roth 1995) et Massada tomba la nuit du quinzième de Nissan (Xanthicus). Avant cela, Ben-Yair prononça deux discours à ses Sicaires leur priant de se suicider afin de ne pas devenir esclaves des Romains. Des 967 rebelles au sommet de Massada, 960 se tuèrent les uns les autres et 7 se cachèrent et survécurent pour raconter l’histoire.

Contrairement à sa description du siège romain autour d’autres cibles fortifiées (p.ex. Jérusalem, Gamla, Yodfat, Macherus) ou l’armée romaine faisait face à une résistance féroce, aucune résistance de la sorte n’est décrite autour de Massada. L’implication est que les Sicaires, tellement adeptes de l’assassinat et la terreur, manquèrent d’esprit combatif quand ils se trouvèrent à faire face à l’armée romaine. Ils ne résistèrent pas non plus pendant trois ans à l’armée romaine, ni ne livrèrent une dernière bataille mais préférèrent le suicide. Même une fin à la Samson (c’est à dire se tuer avec ses ennemis), ne fut pas pris en compte. Josèphe exprime du respect pour ceux qui se suicident, mais pas plus que cela.

Ainsi le récit historique trouvé dans Josèphe est triste et tragique. Il décrit une révolte condamnée, des combats entre les Juifs et une fin de la révolte désastreuse et amère, qui se termina par la mort atroce d’un très grand nombre de Juifs et la destruction du temple. Comme acte final, trois années après l’écrasement de la révolte, se déroule un suicide collectif d’un groupe de Juifs extrémistes à Massada. Du point de vue de Josèphe, la fin de Massada fut non héroïque et peu judicieuse.

 

Massada mythique

On doit se souvenir que jusqu’au 20e siècle, le récit historique de Massada était largement en sommeil parmi les Juifs. Le récit historique était-il, comme le disait Josèphe, celui auquel les Juifs avaient été exposés? Certainement pas. Le récit historique de Massada n’est absolument pas un récit d’héroïsme. Au contraire. Et pourtant Massada a été décrit et est largement considéré comme un endroit d’héroïsme suprême. Comment un tel récit tragique et effrayant a-t-il été transformé en un récit héroïque? Pourquoi? Quand?

Pour répondre à ces questions, une série de méthodologies a été utilisée. Pour commencer, il a été nécessaire de remonter dans le temps, de rechercher les archives, les journaux et les livres d’histoire pour découvrir quand le changement du récit historique de Massada a eu lieu. J’ai situé l’origine dans les débuts de la seconde décennie du 20e siècle. A mesure que j’ai avancé dans le temps, il est devenu clair que la première cristallisation du mythe a eu lieu dans les années 1920, mais s’est accéléré dans les années 1930. Au début des années 1940 le mythe était assez bien cristallisé et prêt. Il avait quelques figuresdominantes qui le soutenaient, mais la figure principale était Shmaria Guttman dont le rôle pour aider le mythe à l’origine ne peut être sous-estimé. J’ai eu la chance de pouvoir l’interviewer deux fois. La méthodologie pour ces questions comprenaient donc des analyses textuelles (interviews écrites et transcrites dans les médias) et des interviews (p.ex. avec des auteurs de livres d’enfants).

Il est clair que le mythe a commencé à décliner au milieu des années 1960. Il était aussi très évident que le mythe était développé et disséminé par des Juifs laïcs. Les Juifs pratiquants n’étaient pas favorables au mythe, et les Juifs ultra orthodoxes le critiquaient même. Pour ces derniers, l’idée de défier militairement l’Empire Romain, le suicide collectif ou les assassinats commis par les Sicaires étaient des actes regardés avec mépris plutôt qu’avecrespect.

Maintenant que nous avions les dates, nous pûmes poser la question du pourquoi. La réponse était évidente. Comme le mouvement national sioniste, dominé par des Juifs laïcs, commençait à prêcher et ultérieurement à organiser le retour des Juifs dans leur patrie, ils eurent non seulement à faire face aux stéréotypes antisémites des Juifs comme «non combattants» mais aussi à donner à la jeune génération des Israéliens quelques récits héroïques. De cette manière, un lien mystique avec le passé pouvait être réalisé et une nouvelle conscience des Juifs pouvait être établie. Cette communauté fonctionnelle en Palestine était confrontée à la possible invasion de l’Afrika Korps nazie commandée par Rommel. La période d’apogée du mythe s’étendit ainsi des années 1940 aux années 1960 environ.

Suite à la guerre de 1967 (la «Guerre des Six Jours») de nouveaux sites d’héroïsme devinrent accessibles, de nouvelles mythologies furent créées et l’importance de Massada déclina. Quand je dis «apogée» ou «déclina» je fais référence à la mesure d’indices comme: visites d’Israéliens à Massada, visites de mouvements de jeunes à Massada, cérémonies militaires pour prêter serment à Massada.

La question suivante est: quel est le récit mythique de Massada? Pour le découvrir, j’ai examiné des livres touristiques, des manuels historiques de classes élémentaires et de lycée, des manuels historiques, des encyclopédies; nous avons examiné la littérature des enfants, les films, les arts, je me suis joint à des guides touristiques à Massada et j’ai écouté leurs explications, nous avons vérifié la manière dont Massada était présenté à l’armée israélienne, dans les mouvements de jeunes, dans les médias, et dans les groupes underground d’avant l’état d’Israël. Quand nous regardons toutes ces sources, la vraie nature du récit mythique de Massada devient clair. Donc, si nous prenons les différentes sources d’où apparaît le mythe de Massada et que nous les résumons, alors l’essence du récit mythique de Massada peut être décrite brièvement ainsi:

«Les leaders de la Grande Révolte populaire étaient des Zélotes – des adhérents à une des tendances idéologiques juives de l’époque. L’armée impériale romaine a écrasé la révolte, conquis et détruit Jérusalem avec le Second Temple des Juifs. Les Zélotes, qui survécurent au siège et à la destruction de la cité, s’enfuirent à la forteresse de Massada, une place forte difficile à atteindre au sommet d’une montagne près de la Mer Morte. De là, les Zélotes harcelèrent les Romains et créèrent une telle menace que les Romains décidèrent de faire l’énorme effort militaire requis et de détruire Massada. En conséquence, les Romains rassemblèrent leur armée, entreprirent la longue marche ardue dans le désert de Judée et atteignirent Massada. Là, ils entourèrent la forteresse et l’assiégèrent. Après trois années de bataille héroïque par les quelques Zélotes contre l’énorme armée romaine, les assiégés de Massada réalisèrent que leur situation était désespérée. Ils faisaient face à un avenir sinistre: soit ils étaient tués par les Romains, soit ils devenaient des esclaves. Elazar Ben-Yair, le commandant, s’adressa à ses partisans et les persuada tous qu’ils devaient mourir en hommes libres. Ils décidèrent donc de se tuer, une mort héroïque et libératrice, plutôt que de devenir de misérables esclaves. Quand les soldats romains entrèrent dans Massada, ils trouvèrent le silence et des cadavres.» (Ben-Yehuda 2002:46)

La Massada historique a donc été transformée à partir d’un récit de désastre et est devenue un symbole pour une dernière position héroïque. Selon les mots d’une autre icône célèbre, Moshe Dayan, ancien chef d’état-major et politicien (1983:21):

«Aujourd’hui, nous pouvons désigner le fait que Massada est devenue un symbole d’héroïsme et de liberté pour le peuple juif à qui il dit: Combattez jusqu’à la mort plutôt que de vous rendre; préférez la mort à l’esclavage et la perte de la liberté.»

Il est clair que le populaire et répandu récit mythique de Massada a retenu quelques éléments du récit historique, mais essentiellement, il est significativement différent de ce que nous dit Josèphe. Il prend une séquence historique longue, complexe et parfois assez confuse et la réduit à un récit héroïque simple et direct, caractérisé par quelques thèmes clairs. Il accentue le fait qu’un petit groupe de héros qui avaient survécu à la bataille de Jérusalem, ont choisi de continuer le combat contre les Romains jusqu’à la finamère plutôt que se rendre. Le récit mythique de Massada est donc construit en transformant un événement historique tragique en une fable héroïque. La révolte infortunée est transformée en guerre héroïque. Le suicide collectif douteux à Massada est transformé en dernière position brave du petit nombre contre le grand nombre.

Certains thèmes de transformation illustratifs sont: contrairement à Josèphe, on fait référence aux rebelles comme à des «Zélotes» (pour leur zèle pour la liberté) au lieu de dire Sicaires; le massacre à Ein Geddi disparaît; le siège de Massada est prolongé à trois ans; les deux discours de Ben-Yair sont réunis en un seul et les sept survivants disparaissent – les héros, après tout, n’hésitent pas et ne choisissent pas la vie au lieu du suicide; Massada est fréquemment décrite comme une base rebelle pour des opérations contre les Romains.; En fait aucune preuve n’existe pour cette affirmation.

Le résultat en est la construction d’un récit héroïque puissant, persuasif et cohérent. De plus, ce récit mythique a souvent été raconté à des jeunes après une longue marche difficile dans le désert de Judée. Le plan consiste habituellement à monter à Massada juste avant le lever de soleil au-dessus de la Mer Morte à l’est, et à se tenir debout au sommet. A mesure que le morne désert jaunâtre s’éveille, au sommet de la colline, la froide brise du matin, avec des torches qui brûlent encore, le récit mythique est raconté. La suspension de l’incrédulité dans ce Schpiel[1] orchestré est totale, et un fort sentiment de solidarité nationale est atteint. Faites moi confiance, dans ma jeunesse, j’ai été un de ces jeunes Israéliens qui ont vécu cet événement spectaculaire.

 

Les fouilles archéologiques

Massada a été fouillée plusieurs fois, mais les principales fouilles ont eu lieu de 1963 à 1965 sous la supervision stricte du professeur Yigael Yadin. La question suivante était comment ces fouilles sont-elles parvenues à donner un tel soutien au mythe?

La méthodologie ici était différente. Les fouilleurs de Massada se rencontraient tous les jours, à la fin de la journée, pour discuter des trouvailles du jour. Ces sessions quotidiennes étaient enregistrées et transcrites. L’institut d’archéologie à l’université hébraïque m’a permis un accès libre et total à ces transcriptions. Pouvoir les examiner , en fait, a ouvert une porte fascinante dans les discussions et les débats journaliers sur les différentes découvertes à Massada. On peut réellement comprendre comment les archéologues menaient leur science quotidienne à Massada. A partir de ce point, ce que j’ai fait a été de vérifier chaque source que je pouvais localiser, pour examiner comment la découverte était présentée et comment son interprétation se développait. Cela se termina en 1990 quand les découvertes finales de Massada furent publiées. Quand on les examine de cette manière, il est facile de voir comment les archéologues, ont maintes fois sacrifié la vérité pour un mythe.

À maintes reprises, comme je le démontre dans mon livre de 2002, on peut voir comment les différents objets trouvés à Massada ont été interprétés afin de soutenir le mythe. Cela comprenait la suppression de certaines découvertes, l’ignorance d’explications alternatives et contradictoires, et la suppression de toute critique de la version de Yadin. En effet, la plupart des critiques sur ces fouilles venaient de l’extérieur d’Israël. Il est intéressant de noter que quand les rapports définitifs furent publiés dans les années 1990 (longtemps après que Yadin fut décédé, n’exerçant plus d’influence), presque aucune des interprétations de Yadin ne se retrouvèrent dans ces publications. Donc, en analyse finale, et à porter au crédit des rédacteurs de ces rapports détaillés, la science a triomphé.

Laissez-moi utiliser une illustration. Le 26 novembre 1963, les fouilleurs ont trouvé au niveau inférieur du palais nord trois squelettes: une femme de 17-18 ans, un enfant de 11-12 ans et un homme de 20-22 ans. Yadin est enregistré disant que cela ne peut pas avoir été une famille. Quelques pièces d’armure furent trouvées près des squelettes. Rien de plus ne fut ajouté à la découverte. Yadin commença à élaborer une interprétation de cette découverte et en 1966 (dans un livre) suggéra déjà que ces ossements pouvaient avoir été ceux du dernier combattant à Massada et sa famille. En 1971 (dans une encyclopédie) il déclara que les ossements appartenaient à «un important commandant de Massada et sa famille» et en 1973 (dans un discours sur Massada) ces ossements devinrent «les restes de … un très important commandant, sa femme, et leur enfant, juste comme la description de Josèphe….» Bien sûr, on ne dit pas où exactement Josèphe décrit cela, ce n’est pas discuté, ni comment ces ossements sont devenus une «famille» «d’un important commandant,» peut-être du «dernier combattant» : cette interprétation n’est pas du tout claire et laissée à l’imagination du lecteur.

L’interprétation de Massada par Yadin était significative parce qu’elle était clairement motivée idéologiquement, visant à renforcer la rôle de Massada dans le récit national d’Israël. L’idéologie (y compris la mythologie) et la science ont deux rôles entièrement différents: les mythes fondés idéologiquement ne sont pas des efforts pour révéler la vérité mais pour promouvoir des valeurs morales, mobiliser le sentiment et l’énergie, soutenir la loyauté et l’engagement. En tant que tel, le récit mythique de Massada était tout à fait efficace.

La science d’autre part, vise à révéler la vérité, à la distinguer de la fausseté et à classer très haut la question de la validité. En fait, la science devrait nous protéger d’être empêtrés dans notre propre mythologie, de confondre la réalité et la fiction.

Yadin a utilisé le voile de la science pour soutenir un mythe. En tant que tel, il peut présenter une forme de déviance: falsifier les interprétations, non pas pour une théorie scientifique, mais pour un mythe national. En sacrifiant la vérité, Yadin a aussi sacrifié la science.

 

Conceptualisations

Le récit mythique de Massada a été analysé dans le cadre analytique de la mémoire collective. A cette époque, dans les années 1990, les chercheurs dans ce domaine étaient concentrés sur des questions concernant le passé comme «est-ce arrivé ou non.» En ce sens, le mythe de Massada s’adapte très bien au Zeitgeist[2]du programme de recherche de cette période. La conceptualisation éclairée de Vinitzky-Seroussi (2002) sur la mémoire fragmentée n’était pas disponible en 1995 et donc l’analyse principale était de voir comment le mythe de Massada était composé de parties historiques et de parties imaginaires. L’analyse a suivi fondamentalement la distinction maintenant classique de Barry Schwartz entre la continuité et la discontinuité de la mémoire collective. Comme d’autres nouvelles innovations, la récente innovation de Vinitzky-Seroussi nous permet un regard potentiellement nouveau sur ces découvertes. Nous pouvons essayer de réanalyser la commémoration de Massada comme un souvenir fragmenté, par exemple par différents groupes de Juifs (p.ex. laïques par rapport aux pratiquants; ou même à l’intérieur de groupes laïcs). Cette analyse nous demandera inévitablement de décider si c’est la nature du passé qui le rend fragmentaire ou si tout ce que nous avons est un potentiel pour une commémoration fragmentaire, qui peut ne pas se matérialiser nécessairement.

Par contraste, le cadre conceptuel principal utilisé dans «Sacrificing Truth» était un examen de la manière avec laquelle fonctionne la science, comment la connaissance est créée et particulièrement comment, pourquoi et quand la déviance se produit en science. C’est à dire, une conceptualisation encadrée dans les sociologies de la science et de la déviance. Le travail de Kohl (p.ex. 1995 avec Fawcett et 1998) sur l’influence mutuelle du nationalisme, la politique et l’idéologie vis à vis de l’archéologie, a joué un rôle important dans cette conceptualisation.

 

Final

La transformation du récit historique de Massada en récit mythique de Massada est un processus fascinant. Tout comme le travail de Zertal (1999), c’est un examen de la manière dont un désastre a été transformé en conte héroïque. Mon travail sur Massada illustre, à mon avis, comment on peut examiner avec deux prismes différents, en utilisant différentes méthodologies et différents cadres analytiques interprétatifs, un domaine de recherche. Et je ne devrais pas terminer cet article sans exprimer un sens de l’ironie historique. La dernière transformation de Massada est contemporaine – elle s’est transformée en site touristique majeur, même avec des surprise-parties illégales avec de la drogue au sommet.

La société israélienne contemporaine a tellement changé que les deux premières transformations ne lui sont plus adaptées. C’est maintenant que l’UNESCO a décidé d’adopter cet endroit majestueux et sinistre pour un Site du Patrimoine Mondial.

 

NOTES

Je suis profondément reconnaissant pour les commentaires constructifs sur un précédent brouillon par Robert Friedmann, Erich Goode, Barry Schwartz, William Shaffir et un lecteur anonyme.

 

BIBLIOGRAPHIE

Ben-Yehuda, Nachmann. 1995. The Masada Myth. Collective Memory and Mythmaking in Israel. Madison: University of Wisconsin Press

Ben-Yehuda, Nachman. 2002. Sacrificing Truth. Ar- chaeology and the Myth of Masada. Amherst, New York: Prometheus/Humanity Books.

Dayan, Moshe. (ed.). 1983. Masada. Paris: Armand and Georges Israel.

Kohl, Philip L. and Clare Fawcett (eds.). 1995. Nationalism, Politics, and the Practice of Archaeology, Cambridge: Cambridge University Press.

Kohl, Philip L. 1998. “Nationalism and Archaeology: On the Constructions of Nations and the Reconstructions of the Remote Past.” Annual Review of Anthropology, 27:223- 246.

Livne, Micha. 1986. Last Fortress. The Story of Masada and its People, Tel Aviv: Ministry of Defense Publish- ing. (hébreu).

Monastersky, Richard. 2002. “Israeli Icon Under Fire” The Chronicle of Higher Education, 6 décembre.

Roth, Jonathan. 1995. “The Length of the Siege of Masada,” Scripta Classica Israelica, 14:87-110.

Simchoni, Y. N. 1923. “Introduction” à sa traduction de The History of the War of the Jews with the Romans. De l’édition de 1968 (imprimé en 1970), par Givataim-Ramat Gan: Masada Ltd. (hébreu).

Vinitzky-Seroussi, Vered. 2002. “Commemorating a Difficult Past: Yitzhak Rabin’s Memorials,” American Sociological Review, 67(1):30-51.

Zertal, Idit. 1999. “The tortured and the sacred. The establishment of a national martyrology”, Zemanim, 48:26-45 (hébreu).

 


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