Qifa Nabki : Vous avez tout récemment été cité dans le New York Times : vous y déclariez que l’actuelle situation en Syrie est « totalement manipulée », et que les activistes à l’œuvre dans les rues du pays trompaient le peuple syrien et le reste du monde. Pourriez-vous développer cette affirmation ?
-Camille Otrakji : Je pense qu’une nette majorité de Syriens soutient plusieurs des revendications des manifestants pacifiques. D’un autre côté, seule une petite minorité de Syriens est prête à prendre le risque de déstabiliser son pays pour obtenir un total changement de régime, au terme d’un conflit douloureux.
Vous pourriez être en désaccord avec moi si vous croyez que les mouvements de protestation actuels sont le résultat de la mise en boucle par Al Jazeera et BBC Arabic de vidéos sanguinolentes donnant l’impression que la victoire est proche pour le « peuple syrien » manifestant contre un tyran méprisé. Dans les premiers jours de la révolte libyenne, Al Jazeera avait suggéré le même sentiment de « victoire facile » au sein du peuple libyen, et aujourd’hui les Libyens continuent de s’entre-tuer et de détruire leur pays.
« Moins de 1% de la population syrienne (environ 150 000 personnes) a participé aux manifestations à ce jour »
Malgré les appels quotidiens [...]
Un des meilleurs connaisseurs de la Syrie, Camille Otrakji n’est pas, on le verra, un défenseur inconditionnel du régime de Damas : dans cet entretien accordé au site Qifa Nabki*, il pointe les problèmes, maladresses et erreurs ayant en partie motivé l’actuel mouvement de mécontentement. Mais il met aussi en lumière les agissements sur place de groupes insurrectionnels armés, dont l’action déstabilisatrice est encouragée par les stratèges de Washington et relayée et amplifiée par des médias occidentaux unanimistes et alignés sur la propagande du département d’Etat américain. Pas de langue de bois ici, mais une parole libre, et un regard de connaisseur sur la société syrienne et les mécanismes de déstabilisation dont elle est actuellement la victime.