Stratégie US de la guerre froide, de l’Ukraine aux Philippines

Publié par Diatala sur 16 Avril 2014, 15:41pm

Catégories : #Ukraine

ParManlio Dinucci

Mondialisation.ca, 29 avril 2014

Le président Obama et son équipe pour la sécurité nationale, regardant au-delà de la crise ukrainienne, sont engagés à « forger une mise à jour de la stratégie de la guerre froide pour contenir la Russie ». C’est ce que font savoir des fonctionnaires de l’administration, en spécifiant que l’objectif sur lequel le président se concentre est d’ « isoler la Russie de Poutine en coupant ses liens économiques et politiques avec le monde extérieur ».

Le premier objectif est de réduire toujours plus, jusqu’à l’interrompre, la fourniture de gaz russe à l’Europe pour le remplacer par le gaz fourni essentiellement par des compagnies américaines qui exploitent les gisements au Moyen-Orient, en Afrique et ailleurs, sans compter celles qui se préparent à exporter du gaz liquéfié extrait de schistes bitumineux. Washington dévoile ainsi ses cartes. La marge de supériorité économique des Etats-Unis à l’échelle mondiale se réduit de plus en plus. La Chine est montée au second rang mondial avec un PIB en forte croissance qui équivaut déjà la moitié du PIB des USA, suivie par le Japon et l’Allemagne. En outre, le PIB total des 28 pays de l’UE a dépassé celui des Etats-Unis. Pour conserver la suprématie économique, les USA s'appuient de plus en plus sur le secteur financier dans lequel ils gardent un net avantage, et sur la capacité de leurs multinationales à conquérir de nouveaux marchés et sources de matières premières.

Dans ce but Washington jette sur le plateau de la balance l’épée de sa supériorité militaire, et de celle de l’OTAN sous commandement américain.

Entrent dans ce cadre la démolition systématique, avec des instruments militaires, d’Etats entiers (Yougoslavie, Libye et maintenant Syrie) et l’annexion par l’intermédiaire de l’OTAN de tous ceux de l’ex Pacte de Varsovie, plus deux de l’ex Yougoslavie et trois de l’ex URSS. Quatre même, puisque l’Ukraine était déjà de fait sous contrôle OTAN avant la crise. Il suffisait d’attendre les élections de 2015 pour avoir en Ukraine un président qui aurait accéléré son entrée officielle dans l’Alliance. Pourquoi alors la décision, prise à Washington, d’organiser le putsch qui a renversé le président élu Ianoukovytch (qui était loin d’être hostile à l’Occident), en installant à Kiev les représentants les plus hostiles à la Russie et aux Russes de la Crimée et de l’Ukraine orientale ? A l’évidence pour pousser Moscou à réagir et pour lancer la stratégie d’isolement.

Chose non aisée : l’Allemagne, par exemple, est le plus grand importateur de gaz russe et subirait des dommages d’une interruption de l’approvisionnement. Washington a cependant décidé de ne pas attendre les gouvernements européens pour imposer à la Russie des sanctions plus dures. Il a déjà obtenu l’"accord" de Rome (bien connue pour sa « fidélité » ) et il est en train de s'entendre avec Berlin et d’autres capitales. L’objectif stratégique est de construire un front anti-russe USA-Union Européenne, soudé par un accord de libre échange permettant aux Etats-Unis d’accroître leur influence en Europe. Même stratégie de la tension dans la région Asie/Pacifique, où les USA visent le « containment » de la Chine. Celle-ci, qui s’est rapprochée de la Russie, exerce un poids croissant à l’échelle non seulement régionale mais aussi globale et peut rendre vaines les sanctions contre Moscou, en lui ouvrant des débouchés commerciaux ultérieurs à l’est, en particulier pour les exportations énergétiques.

Du coup le président Obama vient d’effectuer une visite officielle en Asie. Mais le Japon a refusé de signer l’accord de libre échange qui aurait ouvert son marché aux produits agricoles étasuniens.En compensation, les Philippines ont conclu avec Washington un nouvel accord décennal qui permet aux USA d’accroître leur présence militaire dans l’archipel, dans une fonction clairement anti-chinoise.

Où le dollar échoue, l’épée réussit.

Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio

Article original inaccessible –au moment de cette diffusion- sur le site Internet du journal il manifesto : http://ilmanifesto.it/

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