Lorsque le Dr Arpad Pustzai, sommité mondiale dans le domaine du transgénique, a osé révéler, au cours d’une émission à la télévision britannique, que le système immunitaire des rats nourris avec des pommes de terre génétiquement modifiées s’en trouvait endommagé et que leurs organes avaient diminué de taille, cet éminent savant fut renvoyé du Rowett Institute d’Aberdeen, comme un vulgaire malfaiteur.
À l’époque, on s’était demandé comment un biologiste respecté avait pu devenir un paria en un seul jour. La réponse nous est arrivée cinq ans plus tard, le 7 juillet 2003, lorsque Andrew Rowell a révélé, dans le Daily Mail, que le Dr Arpad Pustzai avait été victime de manœuvres au plus haut niveau politique. Le journal dévoilait ainsi une collusion entre certains membres du gouvernement britannique et les compagnies de biotechnologie qui dépensent des milliards pour contrecarrer l’opposition publique aux OGM.
Brisant enfin son long silence sur cette affaire, le Dr Pustzai affirme à présent que son renvoi est la conséquence de l’intervention directe de Tony Blair qui aurait donné deux coups de fils successifs à Philip James, directeur de l’Institut. Le Dr Pustzai aurait été averti de ces appels par deux employés de l’Institut. Il a ensuite appris par l’un de ses directeurs que l’intervention de Tony Blair avait suivi un coup de fil du Président Bill Clinton, dont l’administration dépensait des milliards pour aider l’industrie des OGM.
Ce témoignage a été confirmée par deux éminents chercheurs. L’un d’eux, Stanley Ewen, soutient qu’un autre membre de l’Institut lui a rapporté la même histoire au cours d’un dîner le 24 septembre 1999. « Cette conversation est toujours présente à ma mémoire, raconte Ewen, les bras m’en sont tombés. Soudain, j’ai tout compris ».
La seconde preuve de ces faits vient du Pr. Robert Orskov, décoré de l’Ordre du British Empire, l’un des meilleurs experts en alimentation de Grande-Bretagne, qui a travaillé à Rowett durant 33 ans. Il a été averti que Monsanto a appelé Clinton, puis Blair : « Clinton a appelé Blair et Blair a appelé James ».
On voit ici qui dirige la politique mondiale et de quelle façon !
Il est connu que c’est Clinton qui a persuadé Blair de favoriser les OGM et que le Président des Etats-Unis a exercé, tout comme l’a fait ensuite son successeur Bush, une forte pression sur ses alliés européens pour promouvoir cette nouvelle technologie, hautement lucrative.
Ouvrons une parenthèse pour signaler que George W. Bush a carrément nommé Linda Fisher, Directrice de Monsanto, à l’Agence de protection de l’environnement, en tant qu’administratrice adjointe. Bush a-t-il vraiment saisi l’humour qui consiste à charger un gros bonnet de Monsanto, grand pollueur de la planète, de la protection de l’environnement ? Rien n’est moins certain, mais en tout cas, il fait les choses ouvertement, sans doute sur les conseils de Dieu lui-même !
Évidemment, le Pr. James dément avoir agi sur les ordres du Premier ministre et Downing Street nie également les accusations.
Pour en revenir au Dr Pustzai, il constate : « J’ai grandi sous les Nazis et les Communistes et je comprends que les gens soient effrayés et ne veuillent pas risquer de compromettre leur avenir, mais ils m’ont jeté à l’eau. »
À l’époque, Jack Cunningham, conseiller du Gouvernement, a critiqué les résultats du Dr Pusztai et a garanti que la nourriture provenant des OGM en Grande-Bretagne était parfaitement saine. On a appris plus tard que Cunningham et d’autres membres du Gouvernement présidaient un Groupe de Biotechnologie et que les relations entre les travaillistes et les compagnies d’OGM étaient pour le moins incestueuses. Durant les deux premières années de leur élection, les trusts des OGM ont rencontré les membres du gouvernement à 81 reprises.
Lord Sainsbury, principal conseiller de Blair dans le domaine des OGM, détient de larges parts dans deux compagnies « biotech » et fait partie du comité de biotechnologie Sci-Bio, responsable de la politique nationale des céréales et des aliments OGM. Sa nomination à la tête de la recherche pro-OGM a été mieux comprise lorsqu’on a su qu’il avait accordé une donation exceptionnelle au parti travailliste en septembre 1997. Dès le mois d’octobre, il devenait pair du Royaume et l’année suivante, Blair le nommait ministre de la Recherche. Entre cette époque et 2003, Lord Sainsbury a généreusement octroyé 11 millions de livres au parti travailliste. Mark Seddon, membre du comité exécutif du parti travailliste, a déclaré à la BBC : « Dans n’importe quel pays, je pense qu’un ministre donnant de telles sommes d’argent et, en ce sens, achetant un parti politique, serait considéré, à juste titre, comme un corrupteur du monde politique. » Seddon a ajouté que ce comportement avait causé la démission de certains travaillistes qui estiment que le parti est à présent « dans les mains des riches et des puissants ».
Ces 11 millions de livres offertes au parti travailliste ont vite été compensées par les 20 millions de profits engrangés par Sainsbury en quatre ans d’investissement chez Innotech Investments Ltd, qui détient des parts importantes dans une firme appelée Paradigm Genetics, laquelle entretient de bonnes relations avec Monsanto. L’autre compagnie d’OGM dans laquelle a investi Lord Sainsbury, Diatech Ltd, a obtenu trois brevets pour des produits génétiques dont le potentiel de royalties se chiffre par millions de livres.
En outre, à travers la fondation Gatsby qui investit des millions de livres dans la recherche sur les plantes génétiques, le laboratoire de Lord Sainsbury au Centre John Innes reçoit 2 millions de livres par an afin de poursuivre ses recherches sur les OGM. Cela ne l’empêche pas d’encaisser également 800 000 livres par an de Biotechnology and Biological Science Research Council (BBSRC), qui dépend de Sainsbury sur le plan politique.
Leurs subventions ont doublé plusieurs fois depuis l’arrivée au pouvoir de Sainsbury. Depuis cette époque, ses investissements dans Biotech comme ses contributions à Gatsby ont été gérés par une société-écran dirigée par son avocat Judith Portrait. Bien qu’il ne prenne pas part aux réunions et conseils, et qu’il soit supposé quitter la pièce lorsqu’il est question d’OGM, mesures ridicules, Sainsbury a conservé son pouvoir de décision chez Gatsby.
Comme le signale le Times du 17 avril 2002 : « Les esprits soupçonneux qui ont constaté les 300 % d’augmentation des subventions de l’état au laboratoire Sainsbury se demandent si cela peut avoir un rapport avec le fait que Lord Sainsbury de Turville soit le ministre de la Recherche. » À notre avis, la question ne se pose guère.
Les interconnexions entre les affaires financières de Sainsbury et ses responsabilités officielles sont nombreuses. Ainsi, lorsqu’en 1999, il fit une visite aux Etats-Unis en tant que ministre de la Recherche, il était accompagné par des membres de la BioIndustry Association, dont Diatech sa propre compagnie est Membre associé. Huit jours avant qu’il ne devienne ministre, il a consenti un prêt à Diatech, pour acheter un bureau de 2 millions de livres à Westminster. Dans un récent article publié par le Financial Times, Lord Sainsbury signale depuis l’an 2000 le boom des compagnies d’OGM qui se sont introduites au sein des universités britanniques et sont à présent six fois plus nombreuses qu’aux Etats-Unis. Il déplore que son pays ne célèbre pas davantage cet événement.
En effet, tout le monde ne partage pas ce bel enthousiasme. Le Pr. Steven Rose, du département de biologie de l’Open University est l’un de ceux qui a beaucoup critiqué cette émergence de compagnies privées dans les universités. Il pense que c’est un vrai problème, car l’indépendance des universités a ainsi disparu. Nombre d’universitaires partagent cette opinion.
Il existe donc de nombreux liens entre les travaillistes et l’industrie de biotechnologie. Le directeur de Monsanto en Grande-Bretagne est David Hill qui s’est occupé des opérations médiatiques pendant les élections de 1997 et 2001. Dans un tel contexte, il n’est pas surprenant qu’un dissident comme le Dr Pusztai ait été marginalisé et soit devenu un bouc émissaire.
Heureusement, tel Zorro, les compagnies anglaises d’assurances agricoles sont venus au secours de ceux qui connaissent bien les dangers des OGM. Le 7 octobre 2003, le journal anglais Evening Standard titrait : « Les OGM pourraient être une nouvelle Thalidomide ».
Sous la plume de la journaliste Victoria Fletcher, cet article nous informait que les plus importantes compagnies d'assurances britanniques refusent d’assurer les agriculteurs qui envisagent de produire des OGM, étant donné les risques qu’ils représentent dans le domaine de la santé et qui pourraient avoir des conséquences financières dramatiques.
Ces cinq compagnies, dont l’une est gérée par la Lloyds, n’ont pas oublié qu’elles ont déboursé environ 100 millions de livres de dédommagement après le scandale de la Thalidomide.
À leurs yeux, la menace actuelle est identique. En effet, comme les OGM qui ne présentent officiellement « aucun danger », la Thalidomide a été autorisée par les administrations chargées de son agrément, ce qui n’a pas empêché que ce médicament « sans effets nocifs » ait généré des centaines d’accidents et de morts avant qu’on ne le retire de la circulation. On estime à environ dix mille le nombre d’enfants nés avec de monstrueuses malformations. Mais ces terribles accidents n’ont pas servi de leçon à ceux qui prétendent « savoir » mieux que les autres et persistent à toujours ignorer le simple principe de précaution.
On comprend ainsi pourquoi aucune de ces compagnies d’assurances agricoles n'est prête à assurer les agriculteurs contre le risque de contamination accidentelle par les OGM, pas plus qu’elles ne veulent garantir les planteurs d'OGM si leurs cultures empoisonnent les entreprises agricoles voisines et qu’ils risquent alors d'être traduits en justice.
L’une de ces compagnies a également rappelé qu'autrefois on signait sans aucun état d’âme des contrats d'assurance pour l'amiante, elle aussi considérée alors comme « inoffensive », et que cette insouciance a coûté des centaines de millions de livres d'indemnité. Ils craignent à présent que les OGM puissent provoquer des ennuis similaires.
La position de ces compagnies a été révélée par l'association d'agriculteurs « Farm » qui cherchait à s’assurer contre la contamination par les OGM. Robin Maynard, coordinateur de « Farm », a déclaré que si les assureurs comparent les cultures d’OGM à la Thalidomide, à l'amiante ou au terrorisme, tout agriculteur raisonnable devrait refuser d’engager son entreprise dans une technologie qui est parfaitement inutile et dont personne ne veut, excepté ses promoteurs et les gouvernements qui sont leurs valets.
Incontestablement, les dernières déclarations des compagnies d’assurances ne vont pas satisfaire le gouvernement britannique et ses alliés, partisans de la biotechnologie. Toutefois, nous pouvons peut-être espérer que cette prise de position permettra de jeter enfin la lumière sur des débats qui se déroulent, en général, dans une opacité non démocratique, si tant est que la véritable démocratie existe encore. Pour sa part, la presse française n’a pas beaucoup répercuté cette nouvelle, pourtant significative.
Ceux qui accusaient le Dr Pustzai ne peuvent ignorer que l’introduction d’un gène d’espèce étrangère dans une plante modifie l’équilibre interne de cette plante qui peut alors sécréter de nouvelles substances toxiques capables de provoquer des maladies encore inconnues. Le génie génétique agit sur l’ADN en laissant une large part au hasard, il est ainsi tout à fait naturel qu’il entraîne des réactions en chaîne souvent imprévisibles.
Les généticiens qui savent à présent comment modifier le génome humain ont ouvert la porte aux délires les plus fous et peuvent, sous prétexte d’améliorer la vie, la santé, la nourriture, la Terre même, entraîner de terribles catastrophes. Ils restent incapables de prévoir les risques de toutes sortes engendrés par ces manipulations, mais rassurons-nous car « il sera toujours temps de retirer le produit du commerce » lorsqu’il aura engendré de nombreuses pathologies et décès. Le consommateur doit craindre pour sa santé quand on sait combien ces retraits adviennent longtemps après le constat de nocivité des produits incriminés.
Plus granve encore, quelques généticiens « d’avant-garde » — apprentis-sorciers et contents de l’être —, rêvent déjà d’« améliorer » l’espèce humaine, ce qui risque de déboucher sur des perspectives terrifiantes. Pour l’instant, ces pratiques sont interdites par la convention européenne, mais, à travers quelques publications, on sent chez certains scientifiques une envie qui les démange de recréer notre espèce.
Un rapport, publié en 1983 aux Etats-Unis par l’Office of Technology Assessment révélait que dix-huit entreprises américaines avaient pratiqué des tests génétiques pour sélectionner leurs employés sous le prétexte d’une « prévention des maladies du travail » et que cinquante-neuf autres se préparaient à en faire autant. Il est évident que ces entreprises ont dû faire école depuis cette époque.
Pour l’instant il n’est guère question de les imiter en France, mais nous sommes plus doués pour imiter les bêtises que les bons exemples des autres. Et ce ne seront sûrement pas les hommes politiques qui nous protègeront.
Ainsi, David Byrne commissaire européen chargé de la santé et de la protection des consommateurs estime que les OGM sont une réalité « incontournable ». Jean-Pierre Berlan, directeur de recherche à l’INRA (Institut national de la recherche agronomique), répond que le commissaire européen ignore le rapport scientifique de ses propres services selon lequel on ne sait pas tester les aliments transgéniques. « Plus généralement, M. Byrne est victime d’une confusion organisée par les milieux technocratiques et scientifiques à propos de la science. À côté de la science-savoir des manuels, il y a la science vivante, celle des laboratoires. Elle est à la science des manuels ce qu’est un animal naturalisé à un animal vivant en liberté : pleine de surprises. En réalité, si les scientifiques sont dans leurs laboratoires, c’est bien parce qu’ils ne savent pas et non parce qu’ils savent. »
D’après le Pr. Jean-Marie Pelt, qui a autant appris dans son laboratoire que sur le terrain, « les OGM présentent des risques non seulement pour l'espèce humaine, mais pour l’écosystème tout entier ». Toutefois, on se garde bien de l’inviter aux émissions de télévision sur la question, car il pourrait influencer les quelques Français qui pensent encore que les OGM représentent le salut de la planète et, pour les journalistes, il est moins risqué de parler des accidents de la route et des chiens écrasés.
En amont de ces lobbies agroalimentaires et de leurs intérêts démesurés, il existe des millions de paysans à travers la planète qui sont, d’abord désinformés, mais aussi privés de leurs droits de réagir. C’est souvent au cours des siècles que leurs familles ont accumulé leur savoir, par l’expérience et le bon sens, et ont ainsi pu nourrir des générations d’êtres humains. Et voilà que du jour au lendemain, souvent à leur insu, on a introduit des OGM dans leur pays et cela risque de détruire la plus grande partie des plantes qui existent depuis la nuit des temps. Ce fut le cas en Chine, où l’introduction de nouvelles espèces de céréales « à haut rendement » a provoqué l’élimination de très nombreuses variétés de blé sur une période de vingt ans (1949-1969).
Dans la plupart des débats qui traitent des OGM, seuls parmi les scientifiques, les généticiens ont la parole. On n’invite jamais des ethnologues, ni des historiens des sciences, ni des spécialistes de la géographie et de l’économie rurale, qui auraient pourtant leur mot à dire sur la question.
Lors de la présentation de la récente revue, Nouveau Consommateur, le 30 octobre 2003 à l’Unesco, Philippe Desbrosses signalait qu’une étude économique publiée par la revue américaine Scientific Américan de juillet 1994, faisait le bilan comparé des polycultures traditionnelles et des monocultures industrielles : « Les premières produisent 100 unités de nourriture pour 5 unités d’intrants énergétiques alors que les secondes ont besoin de 300 unités d’intrants pour produire les mêmes 100 unités de nourriture. Traduisez, lorsque vous achetez la nourriture industrielle (soi-disant peu chère) à l’étal du marchand, vous l’avez déjà payée 3 fois auparavant par votre contribution fiscale ou sociale qui alimente les subventions agricoles et les budgets de réparations des dégâts faits à l’environnement et à la société : pollutions, saccage des ressources, exode rural, déprise des terres, incendies, chômage, concentration urbaine. C’est l’image du Titanic agricole de 30 années de productivisme effréné, pendant que l’orchestre aujourd’hui accélère le rythme de la valse et que nous continuons à danser tranquillement sur le pont. »
Les géants de la biotechnologie, qui contrôlent déjà le marché des produits pharmaceutiques et des pesticides, tentent d’imposer aux agriculteurs d’acheter des packages — semences et pesticides — qui leur garantissent des résultats lucratifs. Ainsi, Ciba Geigy livre sa propre variété de semences de sorgho avec trois produits chimiques dont l’un d'entre eux n'est autre que le propre herbicide de la maison. Le commerce des semences génère de la sorte la vente de substances agrochimiques.
En outre, si l’on en croit Russell Schnell, chercheur américain spécialiste de l’atmosphère, les organismes génétiquement modifiés, qui peuvent créer de nouvelles formes de vie et se répandre très loin du site d'expérimentation, risquent de gagner la stratosphère où leur impact reste imprévisible.
Le 2 février 2004, l’agence France-Presse confirmait les craintes du Dr Pustzai en signalant le cas de Gottfried Gloeckner, un paysan allemand qui croyait aux vertus des aliments transgéniques. Lorsqu’en 1997 l'Union européenne a autorisé la plantation du maïs génétiquement modifié BT 176, qui contient un gène modifié destiné à repousser les insectes sur des surfaces limitées, l’agriculteur en a semé dans ses champs. Il a du reste eu des ennuis avec des militants anti-OGM qui ont saboté ses plantations.
Peu à peu, il a mélangé ce maïs à la nourriture de ses vaches. Au printemps 2001, il a constaté chez cinq de ses vaches des « troubles » tels que du sang dans le lait et l'urine, ou des diarrhées, puis elles sont mortes. Aucun vétérinaire n’a trouvé d’explication à ces décès. L'année suivante, le phénomène se reproduisait avec sept vaches.
Ce n'est pas la première fois que le BT 176 est impliqué dans des accidents. Aux Etats-Unis, où il recouvre des centaines de milliers d'hectares, on a refusé la reconduction de son autorisation, bien qu’il soit « officiellement prouvé qu'il ne provoque ni empoisonnement, ni allergie, qu'il est très rapidement éliminé par l'appareil digestif et n'est présent ni dans le lait, ni dans la viande ».
Or, les expertises demandées par Gottfried Gloeckner ont établi que « le produit reste beaucoup plus longtemps que prévu dans l'organisme ». Gloeckner a fourni le résultat des expertises à l’Institut régional de l'Agriculture du Hesse et au RKI (Robert Koch Institut) à Berlin, chargé de la surveillance de la santé publique et notamment de l'appréciation du danger des OGM.
L'expert de l’Institut, Hans-Joerg Buhk, persiste à assurer que « le maïs BT 176 est étudié depuis longtemps et passe pour être sûr ». Cependant il n’a pu expliquer la cause de la mort des bêtes. Pour le moment, Christoph Then, expert en OGM de Greenpeace estime qu’il n'y a pas de preuve irréfutable, mais dans le doute il réclame l’interdiction du BT 176. Le fabricant a toutefois consenti à indemniser partiellement l'agriculteur, ce qui est plus discret qu’un procès. Quant au ministère de l'Agriculture, qui s'en est remis aux autorités régionales, qui s'en sont remises au RKI, il a souligné qu'aucun cas similaire n'a été signalé en Allemagne où une poignée d'exploitants utilisent le BT 176. Toutefois, un chercheur de l'Université Technique de Munich, Ralf Einspanier, a retrouvé dans l'organisme d'une bête ayant consommé des OGM « des traces de l'ADN de la plante transgénique ».
Alors que son pays s'apprête à voter une loi autorisant la vente de produits génétiquement modifiés destinés aux humains, Gottfried a avoué qu’il avait « un mauvais pressentiment ». Il faut être borné pour ne pas en avoir.
En janvier 2004, l'association Terre sacrée nous informait qu’un poisson fluorescent génétiquement modifié vient de faire son apparition dans les animaleries américaines. « Premier animal domestique génétiquement modifié, ce petit zèbre rouge fluo ouvre la voie à la création d'autres poissons brillant de toutes les couleurs sous la lumière d'une lampe noire ou des rayons ultraviolets ».
Ce sont des chercheurs de l'Université de Singapour qui sont les auteurs de cette « remarquable » création baptisée GloFish. Ils ont greffé un gène d'anémone de mer sur un simple poisson d’aquarium, zébré noir et argent. « C'est une révolution dans l'industrie du poisson d'ornement, du jamais vu ! », a déclaré avec enthousiasme Alan Blake, président de Yorktown Technologies, une compagnie d'Austin au Texas qui a obtenu la licence d'exploitation du GloFish.
Craignant que les espèces transgéniques ne se répandent dans la nature et ne fassent disparaître les populations sauvages, l’état de Californie a heureusement interdit le « GloFish » produit par deux sociétés de Floride. Mais le ministère de l'Agriculture a demandé à la Commission de pêche et de chasse de l'Etat de leur délivrer une autorisation exceptionnelle de commercialisation. À son tour, cette instance a rejeté la demande, bien que les scientifiques aient assuré n’avoir décelé aucun danger pour les eaux de l'Etat, au cas où le poisson fluo s'échapperait. Espérons que cette décision arrêtera le développement commercial de l'animal. Mais les promoteurs du GloFish espèrent convaincre les autorités et les consommateurs de l'innocuité du petit fluo, même dans les canalisations, les piscines ou dans l'estomac des chats. De leur côté, les agences fédérales estiment que cette affaire d'animal domestique transgénique non consommable n'est pas de leur ressort.
À Washington, le Centre pour la sécurité alimentaire redoute l'invasion anarchique d'autres espèces transgéniques et voudrait obliger la FDA à encadrer la commercialisation du poisson fluo. La Fédération des pêcheurs de la côte Pacifique ainsi que le sénateur Byron Sher s'opposent, eux aussi, à la commercialisation du poisson rouge fluo en Californie.
La société Morphotek détient la palme d’or des apprentis-sorciers qui menacent notre civilisation. C’est elle qui a mis au point l’hypermutabilité qui permet d’accélérer l’évolution en introduisant des gènes cancérigènes dans certaines plantes et mêmes chez certains animaux. Ce procédé permet de créer davantage de plantes résistantes à certaines maladies en provoquant un nombre de mutations supérieur à la normale. Quel que soit l’intérêt de cette méthode, il est permis de se demander ce qui pourrait se passer si un organisme contenant l’un de ces gènes s’échappait.
N’oublions pas que Canter Cremers et Herman Groot, tous deux chercheurs de l'Institut hollandais de santé publique et de la protection de l'environnement, ont démontré que des micro-organismes génétiquement modifiés, en l'occurrence des souches K2 d'Escherichia coli, bactéries utilisées dans les expériences génétiques, ont été retrouvés sur des blouses qui revenaient de la blanchisserie.
Quel sera le résultat sur l’humanité des greffes de gènes qui vont en se généralisant ? Quand décidera-t-on, grâce aux « progrès » de la thérapie génétique, de modifier non seulement le patrimoine génétique du sujet, mais aussi celui de ses descendants ? Sans doute plus tôt que nous le croyons.
Certains chercheurs, américains et japonais, s’emploient à faire breveter les gènes qu’ils découvrent. Fort heureusement, l’Europe s’oppose aux Etats-Unis en ce qui concerne la prise de brevets sur le génome humain mais, malgré la position ferme du Comité international de bioéthique, on se demande s’il ne se laissera jamais influencer par les intérêts financiers colossaux que représente le marché de la génétique.
En France, en 1999, le ministre responsable de la Recherche scientifique a encouragé les travaux de séquençage des gênes, et le ministre de l’économie et des Finances a proposé une aide fiscale substantielle à France-Biotech afin de promouvoir ces « techniques innovantes ». Mais la France est encore — Dieu merci — néophyte dans cette compétition internationale, alors que les gouvernements anglais et surtout américain ont misé très gros sur le génie génétique, aussi bien en ce qui concerne les soins médicaux que l’agroalimentaire.
Cependant, nous pouvons craindre le pire car notre ministère de la Santé a bien l’intention de privilégier les « médecines innovantes », c’est-à-dire celles qui seront issues de la génétique.
Pour clore le chapitre des OGM, dans un article émanant du Monde diplomatique d’août 1996, Denis Duclos signalait que des compagnies agroalimentaires américaines sont parvenues à faire imposer des lois « antidénigrements » : « Désormais, plus question d’affirmer qu’une tomate est manipulée génétiquement pour prendre la forme carrée sans risquer un procès ». Le public était peu informé sur ces questions, mais il est évident que ce genre de lois ridicules ne peut qu’engendrer une complète désinformation.
Sylvie Simon